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vendredi 2 juin 2023

[décryptage] L'économie monastique, un exemple du passé pour l'avenir

 

Lu sur The Conversation entre décembre 2022 et avril 2023

 


C'est "le révérend père Dom Dysmas, le responsable des moines chartreux qui a convaincu le conseil d'administration de Chartreuse Diffusion d'un virage radical : "La croissance infinie n'est plus possible", a dit Dom Dysmas il y a quelques jours aux administrateurs, demandant d'arrêter d'augmenter la production, à la fois pour protéger la planète, les collaborateurs et retrouver du temps de prière."

 

 Une position qui fait écho à la fois à l'encyclique du Pape, Laudato Si', qui pose les fondamentaux de "l'écologie intégrale" pour l’Église romaine, et les principes de la Doctrine Sociale Chrétienne.

Par écologie intégrale, on entend une pensée qui "se fonde sur le sens des équilibres et le respect des limites propres à chaque chose. Promouvoir l'écologie intégrale, c'est donc se soucier aussi bien des plus fragiles et des opprimés que s'opposer à tout ce que nos modes de vie peuvent avoir de dégradant et d'aliénant".

Cet engagement au service de la sauvegarde "de la maison commune", les monastères peuvent le mettre en place en tant que lieu de porosité entre l'interne et l'externe en déployant quatre liens :

  • lien aux autres (visiteurs, randonneurs, clients, retraitants, fournisseurs, livreurs, moines et moniales de la communauté…), 
  • lien à la nature (assortiments de produits artisanaux, naturels ou issus de circuits courts, mobiliers en bois, économie d’énergie, traitement des déchets…), 
  • lien à Dieu (présence de moines ou moniales, librairie spirituelle, solidarité entre monastères, espaces de gratuité…), 
  • et lien à soi-même (espace de pause dans la vie, cohérence dans la quête de sens, etc.).


 Par Pensée Sociale Chrétienne, on entend "une aide chacun d’entre nous à progresser pour faire grandir le bien commun et témoigner ainsi du projet d’amour de Dieu pour tous les hommes". Les principes sont au nombre de six :

  • Le premier, la dignité de l’homme, fonde les cinq autres : 
  • le bien commun, 
  • la subsidiarité, 
  • la destination universelle des biens, 
  • la solidarité, 
  • la participation.

 

Cette pensée systémique s'inscrit dans l'ADN même de l'économie des monastères.

En effet, les communautés contemplatives organisent leur vie autour de règles monastiques, la plus connue étant celle de Saint-Benoît

Elles prônent :

  • l’équilibre de la vie contemplative entre prière, lecture et travail ;
  • en complément des temps de prière individuels (la Lectio Divina) et collectifs (les offices), le travail est à la fois un moyen de subvenir aux besoins matériels de la communauté et une activité accomplie sous le regard de Dieu (la vitalité entrepreneuriale fait même partie intégrante de la spiritualité cistercienne) ;
  • un travail revêtant trois formes :
    • les services à la communauté (ménage, entretien, cuisine, réparations…), 
    • l’accueil monastique (services pour les retraitants, écoute spirituelle…) 
    • et le travail lucratif proprement dit (ateliers de production, magasins…)
  • une désappropriation des biens et des charges, en contribuant selon ses propres possibilités, tout en conciliant exigences économiques et religieuses ;
  • la pratique du discernement, en clarifiant les objectifs pour ensuite identifier les moyens de les atteindre ;
  • un rapport au temps long, rythmé par l'alternance des activités actives et contemplatives, comme celui du "désert", activité déconnectée pour permettre la respiration personnelle et spirituelle.


Ces règles s'illustrent ainsi par des pratiques quotidiennes dans l'économie monastique :

  • la sobriété des finalités et des moyens, dépassant l'idée d'abondance,
  • le fait de produire et vendre pour survivre selon leurs besoins frugaux, et non pour s’enrichir par principe,
  •  une mesure de la performance extrafinancière,
  • le déploiement de la thématique de la responsabilité sociale des entreprises. Celle-ci a également été relayée par la possibilité d’inscrire sa raison d’être dans ses statuts et de se constituer en entreprise à mission, et est densifiée par les modèles de l’économie sociale et solidaire,
  • une communication sobre voire silencieuse, 
  • la fixation d'un "juste prix",
  • l'organisation en réseau de tout ordre, y compris orthodoxe et protestant, pour favoriser la mutualisation et la distribution calibrées, selon les capacités de chaque atelier,
  • un démarketing ou tout du moins un marketing mesuré,
  • une slow consommation, basée sur la réponse à des besoins pratiques.

 

Un propos qui s'illustre également par le propos du PDG de Chartreuse Diffusion, le souhait de stopper la croissance devenant alors une forme d'évidence pour ces acteurs économiques et territoriaux.

 

"Si Chartreuse doit continuer demain, en lien avec les Chartreux, il faut qu'on se pose ces questions-là. Comment nous expédierons nos bouteilles, par exemple ? Nous avons les prémices des réponses, mais nous devons accélérer."

Emmanuel Delafon, le PDG de Chartreuse Diffusion


 Un podcast à écouter ici, et un article .

 

 _Une veille partagée par Alexis

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